Historique
L’ARAC a cent ans
Cent ans de combats pour la paix, l’émancipation humaine.
Cent ans de luttes pour les droits ceux des ouvriers et paysans envoyés par la République dans une guerre qui dura 4 ans et qui fit des millions de morts, d’orphelins, de veuves, de mutilés. Mais aussi les droits issus des luttes sociales, du combat de la résistance en 1940, du programme du CNR, de 1968 et qui aujourd’hui sont menacés car il s’agit de notre vie, celle de nos enfants, celles des générations futures.
Ce sont des combats d’aujourd’hui, car comme en 1917, l’ARAC a la conviction qu’un monde pacifique, solidaire et fraternel est possible.
Créée dans ce but, l’ARAC n’a jamais cessé de dénoncer les causes des guerres et leurs conséquences. Pour cela, elle lie l’histoire et le travail de mémoire à la réflexion sur le monde actuel, où la crise économique et financière du capital mondialisé et la mise en concurrence des peuples, des nations et des régions conduisent à des tensions lourdes. Le capitalisme a toujours utilisé la guerre pour sortir des crises qu’il engendre. La guerre de 14-18 est déclarée trois jours après l’assassinat de Jaurès qui en dénonçait le caractère impérialiste. Elle eut pour cause essentielle le premier partage du monde à l’échelle de la planète. Elle fut aussi un moyen de s’opposer au début du siècle aux premières avancées sociales et démocratiques notamment en Europe.
Les Poilus qui se sont opposés à la guerre, comme les militants antifascistes de l’ARAC en 1934, comme les Résistants de 1939-1945, n’ont pas laissé faire et ont dit non. C’est ce courage-là qu’il faut rappeler sans cesse. C’est ce courage-là qu’il faut mettre en avant à un moment où la société se délite et où le repli sur soi rend difficile toute forme de conscience, de révolte.
C’est cette réalité qui marque aujourd’hui le monde et les rapports entre les peuples.
Au moment où la bataille des idées, de la communication couvre la planète, c’est souvent sur des mensonges que se déclenchent les conflits. Hier, en 1914, « on croyait mourir pour la patrie, alors que l’on mourait pour les industriels ». Aujourd’hui on déclenche des conflits où des populations sont prises en otages, faisant des milliers de victimes, mais ceux qui sont gagnants ce sont les grandes compagnies minières, pétrolières, gazières et autres multinationales de la reconstruction qui s’enrichissent.
La guerre est toujours synonyme de mort, de crimes, de désolation, de destruction et de victimes. C’est pourquoi nous récusons les « va-t-en-guerre » qui soutiennent les interventions au prétexte de l’urgence humanitaire mais dans l’intérêt de profiteurs.
Les guerres d’aujourd’hui, c’est encore et toujours la volonté de partage du monde entre puissances, c’est la volonté d’empêcher certains pays, de jouer un rôle dans le contexte actuel au plan international.
Les causes des guerres restent les mêmes depuis un siècle. C’est pourquoi l’ARAC milite pour une meilleure connaissance du tournant de 1945, à l’origine de la Charte de l’ONU et de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 (actualisée par les pactes de 1966 sur les droits civils et politiques et ceux des droits économiques, sociaux et culturels ainsi que celui de 1986 sur le droit au développement) qui donnent les clefs fondamentales de la marche vers un monde de droits et de paix.
L’ARAC de 2017 fait comme en 1917 du « guerre à la guerre », selon le cri de Barbusse, son combat contre les causes des guerres, sa principale raison d’être. S’opposer à tout acte de guerre, c’est construire l’humanité de demain. Poussés par la crise, les pays capitalistes sont engagés dans une nouvelle répartition des richesses de la planète : c’est ce qui fait craindre à l’ARAC, pour l’humanité, une nouvelle guerre mondiale.
Nous militons pour un désarmement nucléaire universel, suivant la résolution de l’ONU du 24 novembre 1961, et pour l’abolition des armes chimiques et bactériologiques. Dans le même esprit, nous refusons que l’OTAN installe en Europe un bouclier antimissile. Nous exigeons le retrait de la France de cette organisation ainsi que sa dissolution.
L’ARAC, par son histoire singulière depuis cent ans, a vocation à s’exprimer et à intervenir dans la vie politique, ce qui l’amène à être solidaire des luttes populaires et du combat pour l’émancipation, pour la réhabilitation de l’idée de progrès.
L’ARAC réaffirme qu’il faut respecter la souveraineté des peuples comme le préconise la charte de l’ONU de 1945, elle doit l’emporter sur les intérêts partisans de puissances qui ne rêvent que de soumettre les peuples à leurs dominations. Quitte pour cela à semer la pauvreté, le chômage, le malheur.
Nous voulons œuvrer à une autre conception des relations entre les peuples qui ne soit pas enfermée dans les carcans du profit et de la soumission. Ce qu’incarnent notamment les traités européens qui réduisent inexorablement les souverainetés. Chacun en mesure au quotidien les conséquences politiques, économiques et sociales qui conduisent déjà à des tensions et des conflits au cœur même de l’Europe.
L’Europe n’a de sens que si sa construction est la volonté de Nation souveraine, répondant aux besoins et aux attentes de leurs peuples. Cette démarche serait une garantie de sécurité et un gage de démocratie.
L’ARAC agit en permanence pour renforcer la solidarité concrète envers les victimes de la crise.
Cette politique qui replie les peuples sur eux-mêmes, fait le jeu de l’extrême droite de tous ceux qui utilisent la détresse sociale et morale pour faire taire l’aspiration à plus de justice, à plus de démocratie et qui n’ouvrent jamais de véritable alternative politique. Aujourd’hui plus que jamais, défendre nos valeurs, celles de la République, celles de 1789, de la Commune, celles du mouvement social, celles qui ont conduit à la Résistance et au programme du CNR, celles du combat anticolonialiste nécessite que chacune et chacun s’engagent, tirent les leçons de l’histoire, se rassemblent pour construire réellement une société où « la liberté, l’égalité, la fraternité » sortiront du fronton des mairies pour rentrer réellement dans notre vie.
L’histoire montre que la République, la démocratie et les libertés n’ont rien à attendre de l’extrême droite. L’ARAC, par son mensuel le Réveil des Combattants estime de son devoir d’alerter sur les montées de l’extrême droite, des nationalismes et des intégrismes en France, en Europe et dans le monde.
« L’humanité est maudite. Si pour faire preuve de courage, elle est condamnée à tuer éternellement. Le courage aujourd’hui ce n’est pas de maintenir sur le monde la sombre nuée de la guerre. Le courage ce n’est pas de laisser aux mains de la force, la solution des conflits que la raison ne peut résoudre… le courage c’est de chercher la vérité et de la dire, c’est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant »… disait J. Jaurès à la jeunesse en 1903.
Voilà pourquoi nos ainés ont créé l’ARAC. Il reste beaucoup à faire pour construire ce monde de paix, ce monde d’amitié et de solidarité entre les peuples, ce monde où il fera bon vivre.
100 ans, cent ans de combat pour les femmes et les hommes de notre planète.
Notre combat est moderne car il porte l’avenir de l’humanité, l’espérance d’une société humaine.
Raphaël VAHE Patrick STAAT
Président National de l’ARAC Secrétaire Général de l’ARAC
Les parcours des quatre poilus, fondateurs de l'ARAC
Henri Barbusse
L’écrivain, le visionnaire, le poilu : le soldat de la paix.
Son parcours de vie a été profondément bouleversé par son expérience de soldat pendant la guerre 1914-1918. Adrien, Auguste, Henri Barbusse est né le 17 mai 1873 à Asnières, dans une famille dont le père, Adrien, est d'origine cévenole, huguenote, implantée depuis le 17e siècle au hameau Barbusse, sa mère, Anne Benson, est anglaise.
Dès avant 1914 il a publié de nombreux livres dont Pleureuses, Les Suppliants, et surtout L'Enfer qui lui permettent de subvenir aux besoins de sa famille, aidé aussi par ses travaux de journaliste et de critique littéraire.
Il pénètre les salons littéraires, où il rencontre beaucoup de monde influent dont Catulle Mendès. Il épousera sa fille Hélyone. Il est très apprécié dans ce milieu, aussi bien par les femmes conquises par ce jeune homme, que par les hommes le trouvant sympathique.
1914, la guerre suit la voix de la paix assassinée en la personne de Jaurès. Pacifiste, il se porte volontaire malgré ses 41 ans.
En 1915, ses camarades de tranchée parlent de lui avec beaucoup d'admiration : « A l'attaque de la côte 140, en septembre 1915, il s'offrit spontanément pour installer, sous un feu violent, un poste de secours avancé dans les lignes qui venaient d'être conquises sur l'ennemi. Ce fut l'apothéose. » Il fut deux fois cité. Sa triste expérience de soldat combattant lui fait écrire : « Quand on commence à ouvrir les yeux, on ne s'arrête plus de voir ce qu'on ne voyait pas jadis... »
Il écrit Le Feu, journal d'une escouade en feuilleton et obtiendra le prix Goncourt le 15 décembre 1916. Toute la guerreest dans ce livre ; c'est la vie du quotidien des soldats, la boue, les tranchées, la vermine, la pluie, la neige, le gel, le froid, l'attente du courrier, du signal de l'assaut. C'est la présence des blessés et leurs plaintes, les morts abandonnés dans les trous d'obus et puis la peur omniprésente de la mort pouvant survenir à tout moment sous le feu incessant de la mitraille, les bombardements.
Ensuite c'est la rencontre des quatre poilus en 1917 et Paul Vaillant-Couturier en parle ainsi : « L'esprit des tranchées s'exprimait en lui. De notre rencontre, dans un entracte du meurtre est née l'ARAC. Ensuite ce fut un engagement total au service des idées de paix et de progrès en France et dans le monde. »
Il meurt à Moscou brusquement en 1935, et après des funérailles grandioses il repose au Père Lachaise.
Paul Vaillant-Couturier
Après des études secondaires brillantes à Paris, il entre à la faculté de droit et aussi à la faculté de lettres. Il a une licence d'histoire et devient avocat. C'est alors qu'éclate la guerre 1914-1918. Rapidement il devient un officier de valeur. Il est plusieurs fois blessé, gazé, il reçoit de nombreuses citations. Les destins de Paul Vaillant-Couturier et Raymond Lefebvre partageant une amitié profonde au lycée Janson de Sailly. Chacun dit de l'autre « qu'il est l'autre moitié de lui-même ».
Pour ces trois jeunes militants, s'adresser à Henri Barbusse est tout naturel. Celui-ci n'incarnait-il pas, grâce à son livre Le Feu qui avait, malgré la presse bourgeoise, remporté un succès énorme avec le prix Goncourt, dénonçant cette guerre affreuse ! Lefebvre et Vaillant-Couturier le rencontrèrent alors qu'il se remettait lentement des souffrances endurées dans les tranchées. Il était de presque vingt ans leur aîné mais, rappelle Vaillant-Couturier, « il était avec nous quant au cours des semaines tragiques de mai 1917, tandis que le front se soulevait, nous heurtions vainement à toutes les portes et nous retrouvions le soir, désespérés... Nous décidions la rage au cœur de fonder l'ARAC.
A cause de son action pour la paix, Paul fut condamné cinq fois et emprisonné trois fois. Avec l'ARAC il travaille pour défendre les droits des Anciens Combattants et mener le combat continu contre la guerre. Il possédait tous les dons : grand orateur, poète, écrivain et journaliste, il était aussi un peintre et un musicien plein de talent. Contre le fascisme et la guerre il disait : « La paix ne se conçoit pas sans la liberté... Elle porte en soi l'attrait et le prestige du plus haut idéal de l'homme... »
Qui ne se souvient de ses livres tels Nous ferons se lever le jour et Vers des lendemains qui chantent ! Repris par Gabriel Péri avant de mourir devant le peloton d'exécution nazi.
Il meurt de façon soudaine à Paris, le 10 octobre 1937. Il est accompagné par près d'un million de Parisiens au cimetière du Père Lachaise près du mur des Fédérés.
Georges Bruyère
Né en 1893 dans le XVe arrondissement de Paris. Bien que doté d'une intelligence brillante il travaillera très jeune comme ajusteur, tout comme son père. Très vite militant syndicaliste, il est avant tout contre la guerre. Elle éclate en 1914 et, malgré ses convictions, il y va non pas la « fleur au fusil » mais avec cette haine de la guerre. Il est un soldat courageux, mais en 1915, lors de la deuxième bataille de l'Artois, il est blessé gravement à la tête ; il est évacué, soigné puis réformé. Rentré chez lui il reprend son métier, et son militantisme de « guerre à la guerre » doit aboutir à unir et lutter pour ne plus jamais revoir cela.
Il dépensera toute son énergie à travailler pour construire cette nouvelle association. D'abord une section dans le 15e arrondissement et ensuite sur la région parisienne, avant même la constitution officielle de l'association. Il a toujours l'unique volonté de rassembler, unir les rescapés de cette tuerie pour qu'elle soit la « la der des der » comme l'ont espéré les poilus.
Il est mort à trente ans, en janvier 1923, des suites de ses graves blessures en luttant jusqu'à l'extrême limite de la dure vie qu'il s'imposait. Paul Vaillant-Couturier dit de lui : « Il a donné à notre haine de la guerre sa base prolétarienne possible. » (Hommage à sa mort). Henri Barbusse parle de lui en ces termes : « Il savait agir et tous ses actes étaient un enseignement. »
Raymond Lefèbvre
Né à Vire en Normandie en 1891, il est un poète et un écrivain. Son enfance et sa jeunesse sont très proches de celles de Paul Vaillant-Couturier avec qui il s'est lié d'amitié au lycée Janson de Sailly où ils font leurs études. En 1914 il est réformé, mais il tient à se porter volontaire et être brancardier au front pour sauver des vies. Il est blessé deux fois et en 1916 il subit un bombardement qui lui occasionnera de nombreux mois d'hôpital et une tuberculose. Il retrouve alors son ami Paul Vaillant-Couturier avec qui il n'avait jamais arrêté de correspondre, échangeant idées et réflexions sur la triste période vécue.
Ensemble ils rencontrent Georges Bruyère, rue Olivier-de-Serres (Paris XVe) où il habite. Ensuite Raymond et Paul écriront La guerre des soldats, édité en librairie en 1919, ensuite L’éponge au vinaigre et Le sacrifice d'Abraham, ainsi que de nombreux articles pour l'ARAC. Parmi l'un d'eux on trouve cette phrase prophétique : « Dans la prochaine guerre, il y aura des croix de guerre pour les berceaux. »
En 1920, il part en mission en Russie. Au retour il périt à l'âge de 29 ans dans un naufrage, en océan Arctique, avec deux autres compagnons héros et martyrs du communisme. Il est parti en septembre, plein d'enthousiasme, de projets, ne pensant qu'à l'action prochaine. Son voyage de retour comportait des risques. Il rentre, éprouvé, affermi par deux mois de contact avec les réalités puissantes de la Révolution (hommage à sa mort dans le Bulletin communiste de novembre 1923).